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"Ouvre ta bouche pour les muets" "Open your mouth for the dumb man"
"Je dédie ce site aux centaines de milliers de personnes ayant été un jour aux prises avec la justice humaine - et quelquefois sous son contrôle exclusif et possessif durant des années à cause de sa lenteur - et qui ont souffert de ne pas être réellement comprises, écoutées et aidées - qu'elles soient coupables ou innocentes, victimes ou non - : détenu(e)s, familles et amis de détenu(e)s, victimes ayant mis leur espoir dans la justice mais déçues, personnes sous contrôle de justice en milieu ouvert, personnes ayant subi une garde à vue et traumatisées, personnes mises en examen et en attente éternelle d'être jugées, prévenus présumés innocents mais qui attendent des mois et parfois des années dans l'horreur des maisons d'arrêt en violation du Code de Procédure Pénale, personnes jugées mais brisées, déprimées et suicidaires, personnes désespérées d'être confondues avec leurs actes, personnes ayant tout perdu : conjoint, enfants, famille, amis, maison, finances, vie professionnelle, identité, réputation, espérance, paix intérieure... envie de vivre. Reprenez courage ! il est anormal et inhumain que l'on vous casse (au nom de la loi) à ce point . Mais surtout : gardez espoir... Je dédie aussi ce site aux familles de tous ceux et celles qui se sont suicidés en prison, soit une personne tous les trois jours en France . Le drame de ces familles n'est pas suffisamment pris en compte ; elles sont souvent écartées, sans connaître l'exacte vérité sur la mort terrible de leur proche. dans le respect de l'être humain et de sa dignité "France, dis-moi quelles sont tes prisons, et je te dirai qui tu es". Ph. Auzenet - Responsable du site "PRISONS" - 2017 ECRIRE AU RESPONSABLE DU SITE Étudiants, Lycéens : avant de nous écrire, consultez d'abord les nombreuses rubriques de notre site, qui répondent souvent aux questions que vous nous posez... Si votre mail reste sans réponse, cela signifie que la réponse à vos questions est sur le site. Merci de votre compréhension ! Nous lançons... l'ALERTE N° 1 Au 1er avril 2017, il y avait plus de 81 530 détenus (dont 25% de prévenus - 3.7% de femmes - 1.1% de mineurs) dans les prisons françaises, pour 58 670 places ; la surpopulation carcérale atteint des niveaux alarmants, surtout dans les maisons d'arrêt (3-4 personnes vivent sur 9 m²) . Certains de ces établissements affichent une densité supérieure à 200 % (200 détenus pour 100 places). La "marmite" risque d'exploser à tout moment. Ne remplissez plus les prisons elles débordent ! (Site Prisons 1.04.2017) Nous lançons... l'ALERTE N° 2 Le nombre de suicides en détention, en France, a atteint 113 personnes en 2015. Chaque jour, 3 tentatives de suicide dans les prisons françaises (donc 90 tentatives par mois), et 3 débuts de grève de la faim. Un suicide effectif tous les trois jours. (Site Prisons 1.04.2017) Nous lançons... l'ALERTE N° 3 La décision de construire de nouvelles prisons ne solutionnera absolument pas le problème des prisons françaises. Ce problème est non pas d'abord une question de manque de locaux, mais une question d'état d'esprit des mondes judiciaire et pénitentiaire qu'il faut d'abord transformer et réformer en urgence. Il faut "sanctionner et relever efficacement", et non plus "punir et anéantir", comme les résultats actuels le manifestent hélas au grand jour. Arrêtons la casse ! Il faut aussi utiliser en plus grand nombre les peines de substitution, éviter au maximum les détentions provisoires, doubler ou tripler le nombre des travailleurs sociaux affectés dans les prisons. (Philippe Auzenet - Site Prisons - 31.12.2016) Q U A N D... ? le taux d'échec et de récidive se situe à environ 75% pour les courtes et moyennes peines . (Site Prisons - 1.07.02 - proposition restée jusqu'en 2017 sans réponse) ETATS GENERAUX DES PRISONS : lisez le résultat des 15 000 questionnaires adressés aux personnes détenues
basé à L Y O N (F) |
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Les ERREURS JUDICIAIRES : une interview de Maître Jean-Marc Florand |
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Femmes et familles de détenus racontent leurs souffrances... |
N° vert
0-800-870-745
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Les SANCTIONS DISCIPLINAIRES dans la prison : garanties insuffisantes |
L'excellent rapport de J.L. Warsmann sur les PEINES ALTERNATIVES à la détention, les courtes peines de prison et la préparation des détenus à la sortie de prison |
><> La page de l'AUMONERIE des prisons : vous pouvez aussi y demander la prière quotidienne pour une personne détenue <>< |
Rubrique consacrée à David, 21 ans, qui s'est donné la mort en prison un 18 juillet |
T R I B U N E L I B R E : libre expression |
La chronique d'INFOS-PRISONS : la nouvelle loi pénitentiaire 2008 encore retardée !... |
SUICIDES - Morts suspectes en prison, et suicides non élucidés |
Témoignage : lire un extrait du livre "Quand la justice nous casse" (écrit par le responsable du Site "PRISONS") |
FEMMES ET FAMILLES DE DETENUS
Cette rubrique est réservée à la libre expression des femmes de personnes détenues, et de leurs familles. Il faut parler, s'exprimer, et exorciser la peur, principale arme utilisée contre les détenus et leurs familles. Le respect et la pudeur s'imposent, mais au nom de la vérité, il ne faut pas non plus se taire. Alors, place au dialogue ! Vous êtes femme de détenu, enfant de détenu, famille de détenu, cette rubrique vous est réservée. Faites-nous part de vos commentaires sur la justice, la pénitentiaire, et votre vécu qui est si important. Cela pourra servir à d'autres qui "galèrent" comme vous. Nous respectons l'anonymat, et gardons votre identité confidentielle. Nous publions ici ce qui nous semble sincère et vrai. Le Webmaster.>>>>>> Je vous envoie mes commentaires : je clique ici
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LE MANQUE DE SOUTIEN AUX FAMILLES DE DETENUS...
Bonjour, J'ai 26 ans et je suis mère de 2 enfants dont le père est incarcéré depuis janvier 2001. Ce que je déplore, c'est le manque de soutien aux familles des détenus. Lorsque nous arrivons, nous sommes "fichés" tout comme ceux que l'on vient visiter. Sans nous connaître, et du fait que l'on vient rendre visite à des prisonniers, nous sommes des marginaux. J'ai été frappée par la diversité de population qui vient rendre visite au membre de sa famille qui est incarcéré. Les gens qui remplissent les prisons ne sont pas forcément ceux que l'on croit. On s'imagine, surtout étant enfant, que les prisons sont remplies de bandits édentés, avec des couteaux dont les lames sont presque aussi hautes que celles de sabres et qui tuent à tour de bras. Alors que les détenus viennent de milieux très diversifiés. Mais revenons à nos moutons. Nous, femmes ou mères de détenus, personne ne cherche à savoir ce que l'on pense, comment on vit cette incarcération. Comme je le disais, le simple fait de visiter nos familles suffit à ce que l'on soit complices. Alors que non, remettons les choses à leur juste place. On peut en vouloir à quelqu'un d'avoir fauté au point d'être arrivé en prison. Mais cela n'empêche pas le besoin de se voir, et le soutien envers cette personne. C'est vrai, on nous demande d'être fortes, car en fait de nous dépend le bon comportement des détenus. S'ils ont, eux, une essence de vie pour tenir le coup à l'intérieur, ça va mais NOUS, ELLES, EUX... pourquoi n'avons nous pas ce droit d'avoir mal, d'être fatigués moralement ? Pour l'avoir vécu, je sais combien il est difficile de se rendre -même pour la bonne cause- dans un centre pénitentiaire. Pensons à nos enfants également. Pour ma part, j'ai mis du temps avant d'accepter qu'ils aillent rendre visite à leur père. En effet, y venant seule, je voyais des petits pleurer pour ne pas y aller, mais que leur mère traînaient (c'est le mot juste) jusque dans le parloir et qui pleuraient encore. Des mères qui ne prêtaient pas attention à la peur, l'angoisse, le mal de leurs enfants. Car il y a deux côtés : celles (ou ceux) qui sont à 100% avec leur mari (frère, fils, ...) et qui, dans ce cas, insulteraient volontiers les gardiens devant leur enfants et qui, du même coup font croire à leurs enfants que leur père (ou autre) est en prison parce que c'est une injustice. Comment construire un enfant avec cette idée ? Et celles qui s'interrogent sur le bien fondé des visites au parloir. Aussi déchirantes qu'elles puissent être... Ces portes, presque à la dizaine que l'on nous ouvre et ces horaires sur lesquels nous n'avons aucun pouvoir. Ce sont les gardiens qui nous permettent d'entrer et les gardiens qui nous demandent de sortir ... si pour nous, adultes qui connaissons le caractère répressif de la prison, c'est difficile, imaginons combien ça l'est pour nos enfants? Voilà, je pourrai débattre également de la justice en France mais le temps me manque ... ! Votre site est très bien fait, il ne prend partie ni pour les bons, ni pour les mauvais et est très démonstratif je pense. Connaissez vous des sites qui parlent de la détention côté familles ? Merci. 10 HEURES DE TRAIN POUR UN PARLOIR DE 40 MINUTES !"Q U A N D L A J U S T I C E N O U S C A S S E..."
Un ancien Aumônier des prisons témoigne...
(Editions Le Sarment - Fayard)
Extrait du Livre, paru en avril 2001, en France, Belgique et Suisse ; on peut le commander depuis toute librairie, mais il est directement en vente dans toutes les FNAC, Librairies LA PROCURE, Librairies SILOE, Librairies de La Croisade du Livre Chrétien (C. L. C.) etc... Bonne Lecture ! pour commander le livre en ligne : cliquez ici Dans quelque temps, depuis ce site, un lien vers le résumé d'une interview télévisée de l'auteur (dans l'émission "CONTRECHAMP" - 60 mn), que vous pourrez directement visionner et télécharger. Pour commander la K7 VIDEO de 60 minutes de l'interview (disponible au 1er janvier 2004), contactez-nous par email. INTERVENTIONS TV et RADIO du responsable de ce site : sur la chaîne ARTE (la "Cinq"), le mercredi 16 octobre 2002 à 20 h 15, avec sa famille, dans l'émission "Enfants de taulards"/ sur TF1 : le lundi 21 octobre 2002, , dans l'émission de Bernard Tapie "A tort ou à raison"... / RMC : 4 interviews de Radio-Réveil de 15 mn en septembre 2002, diffusés aussi sur 130 radios locales ( pour les écouter en audio, cliquez sur : http://www.paroles.ch/ECOUTER/RADIO/2002.htm ) / Radio Notre-Dame et Réseau RCF : mai 2002 / A Bordeaux, Radio Campus - La Clé des Ondes - O2 Radio / Radio Périgueux - Radio Plaisance : juin 2003 / Radio France Internationale RFI et Réseau Pacifica (USA) : interview déc. 2003 / Fréquence Protestante Paris : janvier 2004 / Mai 2004 : 3 émissions TV réalisées en studio à Belfort / Interview AFP : 5 oct. 2004 - / A Strasbourg, intervenant dans le 2ème Congrès Européen de la Médecine en Milieu Pénitentiaire, novembre 2004 / Plateau TV de 60 minutes et interview sur FR3 Alsace, le samedi 6 novembre 2004, dans l'émission "7 jours en Alsace" sur le thème "La santé en prison" / Intervenant à la Journée Nationale des Prisons, à Nantes le 27.11.2004 sur le thème "Le sens de la peine" / 2 interviews sur Radio-Espérance (St-Etienne) le 30.11.2004 / Radio N.D. Paris + 59 radios dans 17 pays (Réseau Cofrac) : 31.05.2005. Etc... en 2006.Ce récit autobiographique décrit peu à peu mon immersion lente dans le monde des prisons de France, en tant que détenu, visiteur, Aumônier. Il dénonce aussi le très mauvais fonctionnement de la justice et le non-sens de beaucoup d’incarcérations. Il n’est pas une exhibition de mon passé, ni une justification… Il est né du désir de m’exprimer... et du devoir de témoigner : beaucoup m’y ont poussé. Il me fallait aussi crier à plein gosier à tous ceux et celles qui traversent un cheminement judiciaire et pénitentiaire douloureux : « Tu peux te relever, même si tu te crois définitivement perdu, même si les hommes t’ont déjà rayé de la carte ! Tu as une valeur extraordinaire ! » Si après avoir lu ce livre, vous arrivez à mieux supporter et accepter les traumatismes, les rejets que vous traversez, puis à vouloir en guérir, alors ma joie sera renforcée. Philippe AUZENET
Un sondage réalisé par la Sofres en 1997, sur le fonctionnement de la justice, en donnait une image accablante. d'autres sondages ont été réalisés depuis, les chiffres restent approximativement les mêmes. 78 % des français estimaient qu’elle ne remplit pas correctement son rôle, 66 % que ses jugements ne sont pas équitables ; 87 % qu’elle est vieillotte et difficile d’accès, 97 % qu’elle est trop lente, 77 % qu’elle est trop coûteuse. Seulement 17 % lui font confiance... Beaucoup ont l’impression d’une justice à plusieurs vitesses, bien trop lente et dépendante du pouvoir politique pour 82 % des gens. « La justice est lente, chère, inaccessible, et ne traite pas les citoyens de façon égale. Quand le doute sur la justice s’installe, la société toute entière peu à peu se déchire, car la justice est un élément fondamental du pacte démocratique. (...) Devant une telle crise de confiance, une réforme profonde s’impose, une réforme globale et générale. » (Paroles de Madame Elisabeth GUIGOU, alors Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, devant le Sénat, le 22 janvier 1998) INCARCERATION Jour terrifiant, car aujourd’hui, lundi 7 juillet, je me rends à la Maison d’Arrêt de Rennes. J’ai préparé mes affaires et les ai mises dans deux gros sacs. J’ai transmis toutes mes responsabilités familiales à mon épouse Joëlle. J’ai eu la chance de ne pas avoir été extrait de force de mon domicile par la police, enchaîné et mis dans un fourgon, pour être incarcéré. On m’a laissé la liberté de me présenter moi-même à la prison. Aujourd’hui, j’ai le sentiment de partir pour un autre monde. Je ne doute pas de l’Amour de Dieu qui m’a toujours soutenu, mais je ne comprends pas le chemin qu’Il me fait prendre. J’ai peur. J’évite de réfléchir. Je sue à grosses gouttes. Dès le matin, j’ai embrassé chacun de mes six enfants, âgés de 9 à 17 ans, en les serrant très fort dans mes bras. Ils ont pleuré, pleuré, et même crié. Nous avons prié les uns pour les autres en nous tenant les mains. Je leur ai imposé les mains, en demandant à Dieu de se manifester comme père pendant mon absence. Soudain l’aîné a couru vers sa chambre en pleurant à chaudes larmes. Les autres ont fait de même. Tout à coup, j’ai découvert leur affection envers moi, leur attachement. Cet événement m’a marqué à vie. J’ai eu le sentiment d’assister à mon enterrement, mais en y étant moi-même présent…. Je les avais préparés à mon incarcération, puisque j’avais reçu le verdict de mon jugement un mois plus tôt. Considéré probablement comme non dangereux, on m’avait laissé choisir la date de mon emprisonnement, et c’est mon avocat qui a réglé la question de la date ainsi que celle du lieu d’incarcération, avec le procureur. On ne pouvait pas m’incarcérer à la Maison d’Arrêt de la ville où j’habite, car je connaissais trop bien cet établissement pour y avoir oeuvré durant 14 années, en tant que visiteur puis aumônier. Alors le procureur a choisi la ville de Rennes. Jamais, au grand jamais, je n’aurais pensé qu’un jour je vivrais l’expérience de vivre de l’autre côté des barreaux ! Il est 14 heures. Avec mon épouse Joëlle, nous nous rendons maintenant en voiture chez un ami pasteur, L., et son épouse Y., à Rennes, pour les derniers instants avant la séparation. Cet ami nous avait visité régulièrement, et nous avait beaucoup aidé à surmonter notre épreuve depuis son origine, en septembre 1994, lorsque des inspecteurs de police sonnèrent chez nous pour nous conduire au commissariat. La garde à vue de deux jours avait suivi, elle fut très traumatisante. Une garde à vue porte toujours une atteinte extrêmement dangereuse et brutale à la liberté individuelle. Notre ami L. et son épouse ont prié pour nous en pleurant ; puis Joëlle a posé sa main sur mon épaule en disant ces quelques mots : « Seigneur, je te redonne le mari que tu m’as donné, prends en soin. ». Elle pleurait elle aussi… Je l’embrassai une dernière fois devant la lourde porte de la maison d’arrêt. A la main, j’ai ma carte d’identité, et ma convocation. Il est 15 heures. Je sonne à la porte. DANS LES MURS Aussitôt, j’ai été placé dans une cellule d’attente d’un m², fermée par une grille. Cette cellule me rappelait celle de ma garde à vue. Je me suis assis sur la planche en bois. J’y suis resté une heure et demie, et j’étouffais. Je manquais d’air. Durant de longues minutes, je lus les graffitis. L’un d’eux retint toute mon attention : « Nous, on n’a pas peur, car Dieu est avec nous ». Ce fut le premier signe que Dieu m’envoyait pour m’encourager... alors je me suis mis à prier et à remercier Dieu pour Sa présence dans ces murs. Au bout de 90 minutes interminables, on m’ouvrit la grille, et on me conduisit au greffe. D’un air sévère, le greffier me dit : - « Le savez-vous, mais deux années, ça ne se fait pas comme ça, c’est long ? » Je ne répondis rien. Je n’avais certes pas besoin de cette parole d’accueil glaciale... qui me fit l’effet d’une douche froide. Le greffier me demanda pourquoi je n’avais pas été incarcéré dans la maison d’arrêt de ma ville... j’ai contourné la réponse car j’ai estimé que cela ne le regardait pas. En prison, moins on en dit, mieux on se porte… On prit mes empreintes digitales. Ensuite on me donna mon « numéro d’écrou ». Mon argent et ma carte d’identité me furent retirés. Puis l’on me conduisit au « service de la fouille ». Là je fus prié de me mettre entièrement nu, et de m’accroupir afin que l’on m’inspecte totalement, puis de tousser, en position accroupie. (L’Observatoire International des Prisons signale qu’à la maison centrale d’Arles, à la sortie des parloirs, ces fouilles sont effectuées dans des boxes comportant un miroir d’un mètre carré, scellé au sol et sur lequel il est demandé au détenu de monter entièrement nu). Mes affaires - qui étaient contenues dans deux sacs - furent méthodiquement fouillées et passées au détecteur de métaux. On me priva de mon flacon d’eau de toilette, de mon déodorant, de mon sac de sport, de divers papiers administratifs, et d’autres bricoles. Parmi mes papiers, il y avait un CV. - « Ce CV, surtout pas ! vous ne devez pas l’avoir ! ». On me le confisqua. Je ne répondis pas. Mon épouse m’avait donné un beau poster représentant la mer. - « Ici, c’est interdit, les posters ! » Et on me le retira. Le plus précieux, je l’avais gardé : ma Bible et quelques livres de méditation. Je reçus mon paquetage : deux couvertures, deux draps, une taie d’oreiller, un canif à bout rond (qui ne coupait absolument pas... ), une fourchette, une cuillère à soupe, un bol et diverses affaires de toilette. Ensuite je fus conduit en « cellule d’arrivant », au « grand quartier ». Je me retrouvai seul. La cellule était fraîchement repeinte, et propre. La maison d’arrêt est très vétuste, et dans les couloirs on se croit projeté un ou deux siècles en arrière, tellement tout est sombre et oppressant. On se croirait dans une très vieille usine désaffectée. Tout résonne comme dans une cathédrale. Durant cette première journée, aucune information sur mon incarcération ne me fut donnée. Pas de brochure pour m’expliquer les choses (je n’en ai d’ailleurs jamais reçue). Une carence d’informations qui allait se perpétuer durant plusieurs mois. Alors, pour m’informer, j’ai fait appel à « radio-coursives », c’est-à-dire aux autres détenus. Et par la suite je me suis aperçu que je recevais une tonne de faux renseignements et de fausses rumeurs ! L’absence d’informations - mais aussi de considération - de la part du personnel dans les premières semaines, est ce qui m’a le plus fait souffrir. Certes, le service social m’a transmis une feuille avec quelques indications, mais elles étaient totalement insuffisantes ! Les récidivistes connaissent bien la prison. Mais pour les autres, les « primaires », le milieu carcéral est d’abord un monde hermétiquement clos, où l’on se sent très seul. C’est une autre planète. Il serait bon d’informer plus correctement les arrivants... Passé un délai de huit jours, j’ai provoqué un entretien personnel avec le chef de détention, en lui écrivant un courrier. Il n’avait pas demandé à me rencontrer, contrairement à l’usage qui veut que chaque détenu soit vu par lui après son arrivée. Dès que je suis entré dans son bureau, il m’a regardé droit dans les yeux. Il avait le look d’un ancien para. - « Ah... Auzenet, mais oui, je connais ! ». J’ai préféré ne pas relever son propos. Moi, je ne le connaissais pas, je ne l’avais jamais vu. L’entretien fut très court, je suis resté debout, il n’a presque rien dit, et c’était glacial. Quel accueil ! VALLEE DES LARMES Seul dans ma cellule, après ces trois premières heures de détention, je ne peux m’empêcher d’éclater en sanglots. Je ne pleure pas sur moi-même, mais sur mon épouse et nos six enfants, que je prive de mari et de père. Une immense culpabilité m’envahit. Je me mets à me détester. Avant, j’aidais les détenus depuis l’extérieur. J’étais aumônier de prison. Maintenant, je suis dedans, simple détenu. Enfermé à double tour, pour des mois. Il est arrivé la même aventure à certains surveillants de la pénitentiaire, certains gendarmes et policiers qui ont été condamnés et incarcérés, et cette aventure est on ne peut plus humiliante. La porte s’ouvre vers 17 h 45, et l’on me donne ma « gamelle », c’est à dire un plateau en inox rempli de nourriture. Puis la porte se referme jusqu’au petit matin à 7 heures. Durant la nuit, plusieurs fois on m’observe au travers de l’œilleton. J’ai beaucoup de mal à dormir. Alors je prends le comprimé que mon épouse m’avait donné pour mieux dormir la première nuit. J’aurais préféré ne plus vivre. Je trouve encore la force de prier... puis je m’endors. Que le réveil fut difficile ! J’avais l’impression de vivre un cauchemar éveillé. A 7 heures, la porte s’ouvre, je me sers en café et en lait sur le chariot (il n’y avait pas de sucre...). Le café, c’est du jus de chaussette..., le lait est confectionné avec une mauvaise poudre... mais ça m’a fait du bien quand même... Ma matinée est occupée par la visite à l’infirmerie. L’infirmière, qui remplit un questionnaire précis sur moi, me demande avec insistance pourquoi je suis sûr de ne pas être séropositif, elle ne comprend pas que j’en sois si certain, et me requestionne à nouveau... Il faudrait presque que je lui donne des preuves, mais lesquelles puis-je lui fournir ? Puis je suis reçu chez le médecin. A ce dernier, je peux confier mon désarroi du moment. Il m’écoute et m’encourage. J’ai les larmes aux yeux ; il semble me respecter totalement et profondément, cela se voit dans son regard, et à son attitude ; c’est si rare ici . Il comprend que je suis chrétien, car ce qui attire son attention, c’est le fait que j’aie six enfants, et que tous les prénoms soient issus de la Bible. Après la consultation, d’une manière très naturelle, nous échangeons quelques mots sur la foi et le réconfort que Dieu donne lorsqu’on est en détresse, l’importance de la prière. C’est le deuxième signe que Dieu m’envoie dans ces murs. Combien je remercie cet homme pour sa présence et son écoute, et pour sa foi. En prison, on a besoin de personnes comme lui ! COMME UN LION EN CAGE L’après-midi, j’essaie de tuer le temps. Je n’arrive pas à faire la sieste ni à lire, je suis tellement tendu... Je tourne comme un lion en cage. Le remplaçant de l’assistant social - alors en vacances - me reçoit dans son bureau. Je lui dis, entre autres, combien je m’en veux à cause des souffrances que j’impose à mon épouse et mes enfants. Il me répond d’un ton glacial : « A cela, mon cher, il fallait réfléchir avant ! », ce qui signifie en gros : « c’est de votre faute ! vous n’aviez qu’à faire le nécessaire pour ne pas aller en prison ». Cette parole n’a fait qu’accentuer ma culpabilité et élargir ma blessure, alors que j’attendais une écoute, et éventuellement une parole de consolation, ou du moins, de compréhension. Il est surprenant de constater comme dans le milieu carcéral on doute du repentir sincère d’un détenu. S’être repenti et avoir changé paraît encore plus suspect pour certains ! Du moins mes quinze mois de détention me l’ont-ils fait comprendre. Je ne crois pas que les instances judiciaires tiennent compte profondément du comportement intérieur de l’individu présumé coupable : on examine sèchement la gravité des faits, les lois, les comportements extérieurs, mais pas réellement ceux d’une personne qui a une âme et une sensibilité propres. Il y a même une certaine tendance, voire une constante de suspicion vis-à-vis du détenu, sans parler d’un certain cynisme parfois. Voici la juste opinion d’un ancien membre de l’administration judiciaire : - « En théorie, nous incarcérons les délinquants pour deux raisons : premièrement, pour leur apprendre à se comporter d’une manière pacifique dans la société, deuxièmement, pour ne plus être obligés de nous en préoccuper. Le système de justice s’est rapproché du deuxième but. Une des difficultés qu’entraîne l’incarcération de la majorité des personnes qui commettent des infractions est que ce châtiment intensifie à long terme les problèmes, parce qu’il a pour effet de frapper d’incapacité les détenus. » Il n’est pas étonnant que plus du tiers des longues peines, et plus de 60 % des courtes et moyennes peines récidivent après leur sortie. Car rien n’est vraiment fait en profondeur pour leur changement et leur réhabilitation. On traite des dossiers, des cas. Il est rare de rencontrer des interlocuteurs qui travaillent avec leur cœur. Pourtant cela peut arriver, mais c’est l’exception ! Le manque de travailleurs sociaux en prison est flagrant : le quota, c’est un travailleur social pour cent détenus. Quel genre de travail de qualité peut être accompli dans ces conditions ? Il faudrait quatre à cinq fois plus de travailleurs sociaux ! Il faudrait aussi un éducateur spécialisé, dont le rôle serait de rester toujours en détention durant son temps de travail, il irait de cellule en cellule tout au long de la journée, au gré des demandes urgentes ou des besoins évidents. Lorsqu’un détenu découvre qu’il n’est plus qu’un numéro de dossier, il devient amer, en vient à des comportements violents et destructeurs, puis il pense au suicide. Cette découverte, il la fait tôt ou tard... Souvent il se renferme et vit sa souffrance en silence. Il arrive que certains se mutilent, se coupent un doigt, avalent une fourchette ou des morceaux de lames de rasoir. Derrière ces actes, il y a toujours un appel au secours important « Aime-moi, je suis un être humain ! ». Je l’évoquerai plus loin, il y eut 1006 tentatives de suicide, et 1362 automutilations en 1998 dans les prisons françaises. LA PORTE SE REFERME 8 juillet : il est 16 heures, la porte de ma cellule d’arrivant s’ouvre, et l’on me conduit à ce qui doit devenir ma cellule, au rez-de-chaussée sud. Je refais vite mon paquetage, semblable à un gros ballot enveloppé dans mes couvertures. Nous passons différentes grilles fermées à clé. Tout autour de moi il y a 400 détenus répartis par étages. Beaucoup sont des étrangers. Je rentre dans ma cellule : j’ai un choc : elle est d’une saleté repoussante. Il n’y a aucune hygiène. Le surveillant n’attend pas que je lui fasse quelque commentaire : il claque violemment la porte derrière mon dos et m’enferme à double tour. Je me suis demandé ce que signifiait cette violence. Le claquement de cette porte, je l’entends encore aujourd’hui... Alors je me mets au travail : j’essuie et lave la table, la chaise, et nettoie la pièce avec une petite balayette qui traîne là. Il manque la moitié des brins de paille de riz de la balayette, ils ont été coupés : un surveillant me dira plus tard - et j’ai vérifié la véracité de ce fait - qu’un détenu a dû les utiliser pour les fumer comme une cigarette. Le traversin est composé d’un vieux morceau de mousse découpé à la main dans un matelas et brûlé par endroits. Les murs sont pleins de colle, de graffitis et de cire rouge (tirée de l’emballage des babybels des repas, elle sert à coller des photos de magazines au mur... en prison rien ne se perd). Dans les jours qui suivent, pour lutter contre l’ennui, je gratte méthodiquement avec mon ongle et mon couteau tout ce qui était collé au mur. Des centaines de taches ! Avec un vieux chiffon mouillé je nettoie le dentifrice collé lui aussi au mur : on s’en était servi pour coller des photos et des pages de magazines pornos. Durant une heure je nettoie la cuvette des WC. Cela n’avait pas été fait depuis plusieurs années... Ma cellule fait 9 m². A droite en rentrant, une cuvette de wc sans le siège, bien en vue depuis l’œilleton de la porte, puis à la suite, un lavabo et une armoire dont la porte est pleine de trous. En face, la fenêtre. A gauche, une petite table d’écolier couverte de graffitis et à moitié délabrée, une petite bibliothèque en planches, d’une saleté repoussante, fixée au mur, et le lit métallique. Au sol, du carrelage comme dans les vieilles cuisines d’autrefois. Le tout est dans un état de saleté pitoyable et me fait penser à une très vieille arrière-cuisine. J’ouvre ma fenêtre. Derrière les barreaux, elle donne sur la cour de promenade, une minuscule cour en forme de demi-camembert. A certaines heures, beaucoup de détenus y sont pour marcher, ou jouer aux cartes, en faisant un brouhaha incessant. De temps en temps on frappe à mon carreau pour demander du café ou des cigarettes... je n’en ai pas. Autour de cette cour, un imposant mur de pierre très épais et très haut dissuade ceux qui voudraient s’évader. Au dessus de ce mur, des fils barbelés électrifiés, où sont accrochés plein de vieux morceaux de vêtements, et de plastique. Derrière le mur, un chemin de ronde utilisé la nuit par les surveillants. Et au dessus de la cour, des câbles anti-hélicoptère ont été disposés. En prison le ciel est découpé en carrés par ces câbles, on ne voit plus le ciel comme avant, ni l’horizon. C’est une souffrance de plus. Les premiers jours, ce qui me manque à part ma famille, c’est de pouvoir me promener dans la nature, mais aussi de voir des voitures... INTERVENTION DES POMPIERS Il est vingt heures. On vient de m’observer au travers de l’oeilleton. Je ferme ma fenêtre. J’ai bien fait car mon voisin du dessus, pour me dire qu’il me déteste, déverse des paquets d’eau à l’aide de bouteilles plastique ; tout cela coule le long de la façade : ma fenêtre étant heureusement fermée, l’eau ruisselle le long des vitres. Par la suite j’apprendrai que ce voisin du dessus avait plusieurs années encore à faire, il était amer et avait appris que j’étais nouveau : il lui fallait un souffre-douleur. Il renouvela son opération presque tous les soirs. Ma première soirée est mouvementée. Tous les détenus se parlent en hurlant au travers des fenêtres jusqu'à 23-24 heures, beaucoup s’insultent, se menacent et font du bruit. On se passe des objets grâce à un système de « yoyos »... le yoyo, c’est un petit pot de ricoré en plastique, dans lequel on renferme ce qu’on veut, et grâce à une ficelle, on le fait basculer d’une fenêtre à une autre, à l’étage qu’on veut. J’ai trouvé difficilement le sommeil... avec 27 degrés dans la cellule, et la fenêtre fermée à cause des projections d’eau. Au pied de ma fenêtre, à l’extérieur, vers 23 h, j’aperçois des bouts de matelas en mousse auxquels on a mis le feu ; certains balancent leur gamelle par la fenêtre, ainsi que des restes de nourriture, des bouteilles plastique, des magazines et le contenu de leur poubelle. On entend des éclats de rire cyniques. La fumée noire monte vers les fenêtres et j’entends bientôt la sirène des voitures de pompiers. Ils ont été alertés car des détenus ont lancé des bouts de matelas en mousse enflammés, également dans le chemin de ronde des surveillants. Nous sommes à la veille du 14 juillet, et le climat est très tendu car on attend de savoir si cette année le Président de la République accorde des grâces. C’est bien connu des surveillants : le climat est très tendu avant l’annonce des grâces, et les jours de tempête ou de pleine lune. Chaque matin les balayeurs doivent enlever des tas d’ordures au pied du bâtiment, dans la cour. Quand on va en promenade, les restes de ces immondices nous collent aux pieds. Bonjour l’hygiène !. LA FOURMI DU 14 JUILLET Il y a moins d’animation dans la prison. Nous sommes le matin du 14 juillet. Dehors, les fanfares paradent à quelques mètres de là. On fête la France, pays des Droits de l’Homme. Soudain je suis saisi d’un doute, un immense doute, qui ne m’a pas quitté depuis. Il y a un tel fossé entre ce qui se vit dans les prisons et la vérité qu’on proclame haut et court dans les discours officiels. Quelle hypocrisie. Il a fallu que je vive derrière les barreaux pour mieux le voir en face. Et nous voulons donner des leçons à d’autres pays ! J’ai le sentiment que nos politiques ne savent pas réellement ce qui se passe derrière les murs épais des prisons françaises, leur visite est tellement rare... Voici maintenant une semaine que je suis là. Il me semble que cela fait un mois... Heureusement j’ai une petite compagne silencieuse dans ma cellule : une fourmi. Ma première tentation, le premier jour, a été de la tuer avec ma chaussure. J’ai réfléchi un instant, ai remis ma chaussure en place, et lui ai laissé la vie... J’ai béni Dieu pour ce petit être vivant qui me tenait compagnie... en zigzaguant sur mes murs... et souvent je lui parlais. Chaque jour, pour ne pas devenir un mollusque, je fais du sport dans ma cellule. Avant mon incarcération, je pratiquais le stretching, en groupe, dans un club de remise en forme, ça consiste à effectuer des mouvements qui provoquent une élongation des muscles... Qu’à cela ne tienne ! je les pratique maintenant en cellule, en me souvenant de leur enchaînement. C’est ce que faisait l’acteur principal du film « Midnight Express » durant sa détention en Turquie. Au niveau national, environ 30 % des détenus font du sport. Le plus difficile à gérer ici, c’est le temps. Il est trop court à l’extérieur, trop long à l’intérieur. Un proverbe français dit ceci : « Nous ne comptons les heures que quand elles sont perdues. » Jean-Paul KAUFMANN, qui a vécu 1167 jours de détention dans le noir complet, le disait dans une interview à la télé : « En détention, le supplice, c’est le temps. L’ennui, la tristesse, la mélancolie sont corrosifs et peuvent tuer un homme ». Et puis, on a le sentiment que tout le monde est heureux sans nous. On se sent inutile. On panique, en pensant que jamais on ne sortira de ces murs. PRISONS SURPEUPLEES La prison de Rennes n'est rien en comparaison avec d’autres prisons ! Un détenu qui avait été incarcéré dans la prison de Laval me confiait qu’en été, si la cellule est située directement sous les toits, il faut supporter à deux ou trois détenus, sur 9 m², une chaleur constante de 32 à 35 degrés, et comme il n’y a que très peu d’air qui passe à cause des « caches en plastique » installés devant les fenêtres, dans le but que les détenus ne soient pas vus de l’extérieur, ni ne voient aussi vers l’extérieur, on frôle le supplice. J’ai eu la chance de rester souvent seul en cellule, mais dans d’autres établissements comme au Mans ou à Laval, ils sont trois, voire quatre personnes sur 9 m², avec des W-C sans aucune séparation ; par cette température, c’est pire qu’un supplice. Il n’y a pas d’aération suffisante… II y a violation des articles D 350 et D 351 du Code de Procédure Pénale : Article D. 350 : Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et " l'aération ". Article D. 351 : Dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue. D’autre part, la promiscuité crée une situation de stress avec de fréquentes occasions de conflits entre co-cellulaires. Exemples : choix des programmes TV, et du fond sonore télévisuel. Dans cette situation de survie, on n’a rien envie d’entreprendre, on manque totalement d’énergie, on a de la peine à se concentrer, et on perd l’appétit. Scandaleux : le taux d’occupation de la maison d’arrêt du Mans pour 1999 a été de 237 %, celui de la maison d’arrêt de Laval a été de 231 % ! A cette époque, 108 établissements sur 187 sont surpeuplés, dont 17 avec un taux supérieur à 200 % ! (Fontenay-le Comte 233 %; Béziers 228 ; La Roche sur Yon 222 ; Orléans 217 ; Toulon 216 ; Loos 211, Nice 207). Le taux moyen national d’occupation est de 114,8 %. En mai 1999, un article de presse révélait que 136 détenus sont incarcérés à la Maison d’arrêt de Laval, alors qu’il n’y a que 56 places... Taux d’occupation en mai : 234 % ! Un vrai parc à bestiaux… L’article parle de troubles et d’incidents survenus dans cette prison le samedi 8 mai, et de la prise de position de l’UFAP (Union Fédérale Autonome Pénitentiaire), qui dénonce la surpopulation et le manque de personnel... Durant l’année 2000, le taux d’occupation est resté approximativement le même : les surveillants ont alors bloqué la maison d’arrêt en enflammant des pneus et des palettes devant l’entrée, le 16 octobre, et en réclamant 5 postes de surveillants en plus. Je pense qu’aucun membre de l’administration pénitentiaire, ni Madame le Garde des Sceaux, n’accepteraient un tel taux d’occupation extrême dans leur propre logement... soit 3 à 4 personnes par tranche de 9 m², comprenant les toilettes ! « Le principe de l’encellulement individuel, qui impose d’attribuer à un détenu une place existante dans une cellule à une place, est prévu à l’article 716 du code de procédure pénale pour les personnes mises en examen et à l’article 719 pour les condamnés. Le respect du principe devrait prémunir les établissements pénitentiaires du surencombrement ; dans la pratique, l’emprisonnement cellulaire est bien respecté dans les établissements pour peine, qui accueillent les condamnés. Dans les maisons d’arrêt, en revanche, il n’est que très rarement respecté. Au total, au 1er mars 2000, seuls 8 174 détenus sont placés en cellules individuelles, sur les 35 244 détenus que comptent les maisons d’arrêt.» Il devrait y avoir une loi qui interdit aux juges d’incarcérer, lorsque le taux d’occupation d’une maison d’arrêt dépasse un certain quota. Ceci est déjà pratiqué aux Pays-Bas et en Finlande, et fonctionne très bien. C’est la pratique du « numerus clausus ». L’Observatoire International des Prisons précise : « En France, ce système présenterait beaucoup d’avantages dont celui d’instaurer une collaboration entre l’administration pénitentiaire et les magistrats qui, pour l’heure, travaillent séparément et s’ignorent superbement. ” […] “ Dans le cas d’un numerus clausus, des clignotants préviennent lorsqu’on approche de la cote d’alerte d’occupation dans un établissement pénitentiaire. Dès lors, le directeur de la prison informe les magistrats du ressort qui sont ainsi incités à recourir à des dispositifs alternatifs à la détention, notamment au contrôle judiciaire, et qui sont invités à examiner toutes les situations en attente de décisions concernant les détenus incarcérés : les demandes de mise en liberté, les libérations conditionnelles, les détentions provisoires trop longues, etc. Les magistrats gardent la maîtrise de la mise en détention, mais les directeurs de prison sont en situation d’alerte et surtout des gérants responsables de leur établissement. Plusieurs directeurs de prison sont favorables à ce numerus clausus et tous les instruments de sa gestion existent. ” Mais peut-être faudrait-il d’abord n’incarcérer globalement que les détenus réellement dangereux pour la société, et ceux qui sont susceptibles d’exercer de fortes pressions sur les victimes ? Et utiliser au maximum d’autres sortes de peines que l’incarcération ? « Quant aux peines de prison de moins de six mois, elles sont tout à fait inutiles. C'est une erreur de la société d'enfermer les gens moins de six mois en établissement pénitentiaire. Ils vont se retrouver en maison d'arrêt – avec un régime de portes fermées – avec une population en surnombre et composée notamment de “ vieux chevaux de retour ” qui vont leur apprendre des choses illégales. En outre, ils se font racketter et subissent les agressions des autres détenus qui sont là pour plusieurs années. » M. Jean-Luc AUBIN (Audition de l'Union fédérale autonome pénitentiaire, devant la commission d’enquête parlementaire – juin 2000) M. Guy Canivet, Premier Président de la Cour de Cassation témoigne ainsi devant la commission d’enquête parlementaire : “ Il est exact que la décision d’un juge de placer en prison ne tient aucun compte des capacités d’exécution de la mesure. On place en détention sans limite de capacité des établissements et l’on demande à l’administration pénitentiaire d’exécuter ! Un directeur de maison d’arrêt vous dira qu’il lui est impossible de refuser une incarcération. Lorsqu’il reçoit une personne placée sous mandat de dépôt, il est obligé de l’écrouer.” (Rapport n° 2521 de la Commission d’Enquête sur la situation des prisons françaises - Assemblée Nationale - juin 2000) Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous étiez aussi prisonniers.... (Épître aux Hébreux 13 :3) © Éditions Fayard - Le Sarment Vous pouvez accéder depuis la touche "accès" à la page de couverture du livre... et à la Table des Matières... Revenir à la page d'accueil... Ž
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FEMMES ET FAMILLES DE DETENUS
Cette rubrique est réservée à la libre expression des femmes de personnes détenues, et de leurs familles. Il faut parler, s'exprimer, et exorciser la peur, principale arme utilisée contre les détenus et leurs familles. Le respect et la pudeur s'imposent, mais au nom de la vérité, il ne faut pas non plus se taire. Alors, place au dialogue ! Vous êtes femme de détenu, enfant de détenu, famille de détenu, cette rubrique vous est réservée. Faites-nous part de vos commentaires sur la justice, la pénitentiaire, et votre vécu qui est si important. Cela pourra servir à d'autres qui "galèrent" comme vous. Nous respectons l'anonymat, et gardons votre identité confidentielle. Nous publions ici ce qui nous semble sincère et vrai. Le Webmaster.>>>>>> Je vous envoie mes commentaires : je clique ici
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LE MANQUE DE SOUTIEN AUX FAMILLES DE DETENUS...
Bonjour, J'ai 26 ans et je suis mère de 2 enfants dont le père est incarcéré depuis janvier 2001. Ce que je déplore, c'est le manque de soutien aux familles des détenus. Lorsque nous arrivons, nous sommes "fichés" tout comme ceux que l'on vient visiter. Sans nous connaître, et du fait que l'on vient rendre visite à des prisonniers, nous sommes des marginaux. J'ai été frappée par la diversité de population qui vient rendre visite au membre de sa famille qui est incarcéré. Les gens qui remplissent les prisons ne sont pas forcément ceux que l'on croit. On s'imagine, surtout étant enfant, que les prisons sont remplies de bandits édentés, avec des couteaux dont les lames sont presque aussi hautes que celles de sabres et qui tuent à tour de bras. Alors que les détenus viennent de milieux très diversifiés. Mais revenons à nos moutons. Nous, femmes ou mères de détenus, personne ne cherche à savoir ce que l'on pense, comment on vit cette incarcération. Comme je le disais, le simple fait de visiter nos familles suffit à ce que l'on soit complices. Alors que non, remettons les choses à leur juste place. On peut en vouloir à quelqu'un d'avoir fauté au point d'être arrivé en prison. Mais cela n'empêche pas le besoin de se voir, et le soutien envers cette personne. C'est vrai, on nous demande d'être fortes, car en fait de nous dépend le bon comportement des détenus. S'ils ont, eux, une essence de vie pour tenir le coup à l'intérieur, ça va mais NOUS, ELLES, EUX... pourquoi n'avons nous pas ce droit d'avoir mal, d'être fatigués moralement ? Pour l'avoir vécu, je sais combien il est difficile de se rendre -même pour la bonne cause- dans un centre pénitentiaire. Pensons à nos enfants également. Pour ma part, j'ai mis du temps avant d'accepter qu'ils aillent rendre visite à leur père. En effet, y venant seule, je voyais des petits pleurer pour ne pas y aller, mais que leur mère traînaient (c'est le mot juste) jusque dans le parloir et qui pleuraient encore. Des mères qui ne prêtaient pas attention à la peur, l'angoisse, le mal de leurs enfants. Car il y a deux côtés : celles (ou ceux) qui sont à 100% avec leur mari (frère, fils, ...) et qui, dans ce cas, insulteraient volontiers les gardiens devant leur enfants et qui, du même coup font croire à leurs enfants que leur père (ou autre) est en prison parce que c'est une injustice. Comment construire un enfant avec cette idée ? Et celles qui s'interrogent sur le bien fondé des visites au parloir. Aussi déchirantes qu'elles puissent être... Ces portes, presque à la dizaine que l'on nous ouvre et ces horaires sur lesquels nous n'avons aucun pouvoir. Ce sont les gardiens qui nous permettent d'entrer et les gardiens qui nous demandent de sortir ... si pour nous, adultes qui connaissons le caractère répressif de la prison, c'est difficile, imaginons combien ça l'est pour nos enfants? Voilà, je pourrai débattre également de la justice en France mais le temps me manque ... ! Votre site est très bien fait, il ne prend partie ni pour les bons, ni pour les mauvais et est très démonstratif je pense. Connaissez vous des sites qui parlent de la détention côté familles ? Merci. 10 HEURES DE TRAIN POUR UN PARLOIR DE 40 MINUTES !
Cette rubrique est réservée aux victimes et aux familles de victimes. Vous pouvez exprimer ici votre vécu, votre douleur, vos remarques, et ce qui vous tient à cœur. Votre douleur est-elle vraiment prise en compte par l'institution judiciaire ? par les personnes coupables et jugées ? Cette page sera ce que vous en ferez. Votre identité ne sera pas révélée, sauf si vous en faites la demande.
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Élodie est en prison
Élodie est décédée
d'une balle de revolver en plein cœur dans un hôtel d'ORMOY-MENNECY
(91) le 01 Juillet 2004.
Elle a simplement croisé le chemin d'un délinquant, bien connu de la justice pour ses récidives et plusieurs séjours en prison. Cette rencontre lui a été fatale. L'enquête de gendarmerie a très vite conclu au suicide, sans ménagement pour les parents et sans recours. Le voyou a été libéré... http://monsite.wanadoo.fr/souvenir-elodie Nous sommes dans l'attente de tous témoignages pouvant nous aider, de vos commentaires, de vos conseils et de votre soutien. Aidez-nous à faire connaître ce site, diffusez le autour de vous et n'oubliez jamais que "cela n'arrive pas qu'aux autres"...
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MESSAGE AUX PARENTS D' ÉLODIE
Chers Parents,
Je vous envoie tout mon courage et surtout beaucoup de respect pour arriver à survivre à la disparition de votre enfant. La perte de votre Élodie doit être une épreuve terrible et je compatis sincèrement à votre douleur, étant moi-même maman d'une petite fille.
Vous avez la rage au cœur et je le comprends, votre file a été la cible d'un récidiviste dont la prison n'a eu guère d'effet auparavant... La prison n'est pas un remède, elle est une punition qui empire le monde, elle ne peut malheureusement pas faire de miracle ni même vous rendre votre fille. Ce meurtrier n'a apparemment rien appris de ce qu'il a vécu derrière les barreaux et c'est ce qui arrive dans la plupart des cas... Il aurait sans doute été préférable pour lui de se faire vraiment soigner car il est évident que son comportement ne fait pas partie de la nature humaine...
Bientôt, ici, vos messages suivants
Extrait du Rapport du Sénat - 2000
HYEST (Jean-Jacques), Président ; CABANEL (Guy-Pierre), Rapporteur
RAPPORT 449, Tome 1 (1999-2000) - commission d'enquête
" première
violence de la prison"
37
, celle qui consiste à mettre
deux détenus, voire trois ou quatre dans 9 m2
, a les conséquences
les plus graves sur les conditions de détention.
Les détenus placés en maison d'arrêt ne disposent pas du même " régime "
que celui appliqué dans les établissements pour peine : " le
régime appliqué dans les maisons d'arrêt est celui de l'emprisonnement
individuel de jour et de nuit dans toute la mesure où la distribution des
lieux le permet et sauf contre-indication médicale "
(art. D.
83 du code de procédure pénale), alors que " le régime des
maisons centrales et des centres de détention comporte
[seulement] l'isolement
de nuit
" (art. D. 95 du code de procédure pénale).
Pour autant, le " régime maison d'arrêt " ne fait
pas obstacle, selon les propres termes de l'article D. 83, à ce que " soient
organisées des activités collectives ou des activités dirigées "
:
sport, formation, activités socioculturelles. De fait, le code de procédure
pénale -en dehors des articles précités- ne fait pas de différence,
lorsqu'il aborde tel ou tel élément de la vie en détention, entre les
maisons d'arrêt et les établissements pour peine.
La commission a constaté que la réalité était tout autre : en
maison d'arrêt, le détenu peut rester 22 à 23 heures sur 24 dans sa
cellule. La télévision reste ainsi constamment allumée, parfois avec le
son coupé, les détenus écoutant de la musique tout en laissant défiler
sur l'écran des images privées de sens.
Les rares maisons d'arrêt qui proposent toute la palette des activités
collectives (travail, sport, formation) sont celles qui disposent de
locaux et de terrains adaptés.
Mais avant toute chose, la vétusté des bâtiments, conjuguée à la
surpopulation, explique que les conditions de détention dans les maisons
d'arrêt ne sont pas dignes de notre pays.
Les règles d'hygiène posées par le code de procédure pénale
Article D. 350 : Les locaux de détention et, en particulier,
ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de
l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage
d'air, l'éclairage, le chauffage et " l'aération ".
Article D. 351 : Dans tout local où les détenus séjournent,
les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent
lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres
doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être
suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer
leur vue.
Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. Elles
doivent être réparties d'une façon convenable et leur nombre
proportionné à l'effectif des détenus.
La commission a constaté que ces règles n'étaient pas, pour la plupart,
respectées dans les maisons d'arrêt.
Les établissements construits avant la seconde guerre mondiale n'ont pas
été conçus avec l'eau chaude en cellule. Par exemple, la maison d'arrêt
de Fresnes n'a pas connu d'évolution majeure depuis sa construction,
pourtant novatrice, en 1898, permettant -via un château d'eau-
l'acheminement de l'eau courante en cellule.
L'absence d'eau chaude et de douche en cellule oblige les détenus à se
rendre en " douches collectives ". Leur nombre est
manifestement insuffisant : à la Santé, par exemple, on compte
trois douches pour 100 détenus.
Ces douches collectives sont souvent dans un état de dégradation
manifeste (salpêtre, moisissures, mousses, carrelage abîmé, présence
de cafards, etc.). Leur état de propreté est souvent pour le moins
douteux. Les locaux de ventilation s'avèrent inexistants.
Se doucher en prison
L'article D. 358 du code de procédure pénale précise que " les
détenus prennent une douche à leur arrivée à l'établissement. Dans
toute la mesure du possible, ils doivent pouvoir se doucher au moins trois
fois par semaine ainsi qu'après les séances de sport et au retour du
travail. "
Détestable expédient, le système de la " douche médicale "
a été inventé pour que certains détenus, souffrant de maladies de
peau, bénéficient de douches supplémentaires.
Dans les cellules, les toilettes sont isolées par une modeste cloison,
d'une hauteur d'à peine un mètre, pour des raisons " sécuritaires " :
le détenu doit pouvoir être vu, à tout moment, par le personnel de
surveillance, à travers l'œilleton.
Mais cette contrainte, éventuellement justifiable dans le cadre d'un
encellulement individuel, a des conséquences inadmissibles en cas
d'encellulement collectif : le détenu est obligé de faire ses
besoins naturels devant les autres, ne disposant d'aucune intimité. Le
sentiment d'un grand nombre de détenus est celui de l'humiliation
permanente.
La hauteur de la cloison des toilettes ne fait pourtant pas partie des règles
édictées par le code de procédure pénale.
Votre commission a constaté que les maisons d'arrêt s'étaient
finalement résolues à " élever " la hauteur des
cloisons sanitaires, la question du coût restant posée.
A la maison d'arrêt du Mans, les détenus ont bricolé des battants en
carton, bel exemple de " système D ".
La promiscuité n'incite pas non plus à réaliser des efforts démesurés
pour qu'une cellule reste propre. Un détenu pourra facilement reporter
sur un autre occupant la responsabilité des dégradations. Les mesures prévues
pour obliger les détenus à un certain " civisme "
seront alors sans effet.
A Loos-lès-Lille, la direction est confrontée au problème des détritus
de toute sorte jetés par les détenus depuis les cellules, dont les fenêtres
sont dépourvues de tout grillage. Ces détritus s'accumulent, en dépit
des efforts quotidiens de l'administration pour faire nettoyer par les détenus
du service général les espaces situés sous les cellules. Outre l'odeur
dégagée, les alentours de la prison présentent toutes les caractéristiques
d'une décharge sauvage.
En réalité, ces normes varient fortement d'un établissement à un
autre. Ainsi, les draps sont changés une fois par semaine à la maison
d'arrêt de Saint-Malo, mais seulement une fois par mois à celle de
Rochefort. De même, la maison d'arrêt de Melun change les couvertures
une fois par mois à la demande, mais celles de la maison d'arrêt de
Reims ne sont changées qu'une fois par an.
Les maisons d'arrêt disposent de laveries. Pour les plus petites, elles
peuvent être amenées à conclure une convention avec la laverie de l'hôpital
voisin, ce qui paraît une mesure de bonne gestion.
En revanche, le linge personnel est " à la charge du détenu et
de sa famille ". Le " parloir " est le lieu
d'échange entre le linge sale et le linge propre, amené par la famille.
La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis représente à cet égard une
exception : la sortie du linge est interdite.
Les détenus " sans famille " doivent laver leur linge
en cellule, ce qui nécessite de l'eau chaude, ou éventuellement sous la
douche (exemple de Fleury-Mérogis), puis le faire sécher devant les
barreaux, ce qui donne, vu des coursives, une vision parfois pittoresque
et confère à certaines de nos maisons d'arrêt un caractère napolitain.
Des maisons d'arrêt prennent en charge le linge des " sans
parloir " : on citera l'exemple des maisons d'arrêt
d'Albi, Châteauroux38
et de Meaux. Mais cet effort en faveur
des plus démunis est loin d'être la règle.
Dans les maisons d'arrêt " 13.000 ", le détenu
" paye au kilo de linge ", selon un tarif d'ailleurs
variable ; les établissements d'Osny, de Villeneuve-lès-Maguelonne
et d'Aix sont, par exemple, dans cette situation.
La tendance actuelle, tout à fait positive, est d'installer, comme dans
la plupart des centres de détention, des buanderies à disposition des détenus.
Mais ces buanderies posent de lourds problèmes d'organisation : un
local est tout d'abord nécessaire ; il devra être fermé, en dehors
des heures prévues pour le nettoyage, afin d'éviter tout acte de
vandalisme. Enfin, " l'activité " buanderie nécessite
une surveillance supplémentaire.
" Une alimentation variée, bien préparée et présentée... "
Les détenus doivent être alimentés par " trois
distributions journalières "
(art. D. 342 du code de procédure
pénale).
La commission d'enquête considère, au vu des menus qu'elle a pu
consulter, des repas dont elle a pu suivre la préparation, que la
nourriture pénitentiaire n'est pas spécialement infâme. Il semble
cependant que la cuisine de la maison d'arrêt de la Santé soit
effectivement particulièrement " exécrable ", comme
l'a précisé M. Jean-Jacques Dupeyroux au cours de son audition.
Elle a également constaté un grand gaspillage du pain distribué aux détenus.
La ration quotidienne, 400 grammes par personne, n'apparaît plus adaptée
aux usages alimentaires d'aujourd'hui.
Beaucoup de cuisines sont dans un état d'hygiène peu satisfaisant et ne
répondent pas aux nouvelles normes fixées par la réglementation :
le " propre " et le " sale "
passent par le même endroit.
On citera pour exemples les cuisines de Loos-lès-Lille, de Paris-la Santé,
de Fresnes et de Toulon. A la maison d'arrêt de Nice, la cuisine a été
fermée suite à une intoxication alimentaire qui a touché une
quarantaine de prisonniers.
Il est donc nécessaire que l'administration pénitentiaire initie une
" démarche qualité " sur la mise en oeuvre de la réglementation39
.
En raison de l'organisation de la distribution, de la configuration des bâtiments
et du manque d'entretien des ascenseurs, quand ces derniers existent, la
nourriture, portée par des détenus du service général dans des " roulantes ",
arrive souvent froide aux détenus.
Les repas préparés à l'extérieur par un concessionnaire apparaîtront
peut-être plus séduisants à l'oeil du visiteur extérieur ; pour
autant, un phénomène de perte d'appétit, comparable à ce qui se passe
dans bon nombre d'hôpitaux, peut se manifester chez les détenus, en
raison du " calibrage " et de la présentation en
plateaux repas. Les portions de légumes sont insuffisantes : une
portion de frites, calculée à 100-110 grammes en gestion déléguée,
sera davantage de l'ordre de 300 à 400 grammes dans un établissement à
gestion classique.
Comme l'a indiqué M. Jean-Jacques Dupeyroux devant votre commission,
" sur le plan calorique, le repas est dosé avec exactitude.
Il n'en reste pas moins que ceux qui font du sport, ceux qui sont un peu
baraqués préféreraient la roulante distribuant les pommes de terre et
les haricots "
.
La commission a constaté lors de ses visites qu'un grand nombre de détenus
refuse la " nourriture pénitentiaire " par principe,
et préfère se nourrir d'un " régime " préparé en
cellule, composé essentiellement de pâtes et de barres chocolatées.
Enfin, comme pour l'ensemble de la restauration collective, les établissements
pénitentiaires sont confrontés aux changements alimentaires de la
population pénale, désormais davantage habituée, dès son plus jeune âge,
aux hamburgers-frites qu'aux plats cuisinés.
Il va sans dire que l'administration pénitentiaire ne peut que constater
que les parloirs permettent le passage de drogues et de stupéfiants, même
si des fouilles circonstanciées se déroulent avant et après. Le " parloir "
est organisé autour de la fonction sécuritaire de la prison.
La commission a été frappée par l'état généralement critiquable des
parloirs.
Tout d'abord, les " abris famille " ; les
familles attendent d'accéder aux parloirs dans une salle exiguë,
lorsqu'une telle salle existe.
En effet, dans un certain nombre de maisons d'arrêt, les visiteurs sont
parqués dans un couloir, sans possibilité de s'asseoir, en attendant de
passer sous le portique et de rejoindre leurs proches.
A la maison d'arrêt de Varces, les collectivités territoriales et le
barreau ont financé la construction d'un bâtiment clos et couvert. Mais
il n'en demeure pas moins, comme l'a signalé le bâtonnier Michel Bénichou
devant la commission, que la responsabilité de la construction de tels édifices
devrait relever de l'administration pénitentiaire.
Ensuite, le " parloir " lui-même : il s'agit
souvent d'un endroit peu pratique d'accès dans la prison, mal nettoyé,
mal éclairé, voire sordide comme à Toulon.
A la maison d'arrêt de Fresnes, le parloir est au sous-sol, non loin des
cuisines. La lumière artificielle est la règle. Les détenus et leurs
familles disposent de peu d'espace.
A la maison d'arrêt de Nanterre, la direction a dû installer un petit
dispensaire qui permet aux personnes de se reposer : la circulation
dans les couloirs pour rejoindre les parloirs, leur caractère sombre et
oppressant provoquent régulièrement des malaises chez certains
visiteurs...
D'heureuses exceptions tranchent en matière d'accueil des familles, comme
la maison d'arrêt de Melun qui dispose d'un local pour les enfants.
Force est enfin de constater que les rapprochements intimes, pourtant
interdits par le règlement intérieur, sont souvent tolérés dans nombre
de maisons d'arrêt et surtout de centrales, comme l'a constaté la
commission à Clairvaux.
Pour autant, les manifestations de cette violence, les violences contre
soi, les violences contre les autres, ne sont pas une fatalité, et découlent
directement de la surpopulation carcérale.
La commission d'enquête a pu se rendre compte, tant lors de ses déplacements
sur le terrain que par les réponses apportées au questionnaire envoyé
aux 187 établissements pénitentiaires, que les manifestations de cette
violence se concentraient principalement dans les maisons d'arrêt, et que
la situation de ces établissements était loin d'être identique à cet
égard.
A partir de 1992, le nombre de détenus décédés à la suite d'un acte
suicidaire a augmenté dans des proportions inquiétantes.
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Deux " moments " sont propices au suicide : les premières semaines de la détention (40 % des suicides interviennent dans les trois mois qui suivent l'incarcération, dont plus de la moitié dans les quinze premiers jours40 ) et les périodes de placement en quartier disciplinaire.
Le taux de
suicide
(rapport entre le nombre de suicides et la population pénale)
Le Garde des sceaux a engagé une politique de prévention du suicide en
milieu carcéral, en constituant un groupe de travail en 1996, et en définissant
un plan d'action en janvier 1997.
Une circulaire a été publiée en mai 1998, rappelant les dispositions réglementaires
et un programme expérimental a été mis en oeuvre dans onze sites
pilotes : tentative d'identification des " sujets à
risques " lors de la visite d'entrée et observation plus
attentive des personnes détenues considérées comme plus fragiles.
Il reste que bon nombre de suicides pourraient être évités si le
personnel pénitentiaire pouvait consacrer davantage de temps à l'écoute
des détenus. Les maisons d'arrêt " à taille humaine "
visitées par votre commission d'enquête présentent des taux de suicide
quasiment nuls : le Mans, Château-Thierry (malgré une " population "
toute particulière), Melun, Alençon...
Un très grand nombre d'établissements, dans les réponses au
questionnaire de la commission, ont déclaré une absence de suicide dans
les dernières années.
Les grands établissements -en raison naturellement de l'effet taille- présentent
des statistiques plus préoccupantes.
Les suicides dans les grandes maisons d'arrêt
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er janvier 2000 |
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Source : réponses au
questionnaire de la commission d'enquête du Sénat.
On remarquera également des mauvaises " séries ",
par exemple les maisons d'arrêt de Rennes et d'Angers, malgré une
population raisonnable (moins de 400 détenus).
La commission a constaté que la " communication " de
l'administration pénitentiaire sur le sujet des suicides est le plus
souvent déficiente ; la famille est prévenue de manière lapidaire,
et de façon tardive. La contre-autopsie lui est fréquemment refusée.
Confrontée à un drame, elle peut être amenée à " douter "
de la réalité du suicide, ce qui nuit profondément à l'image de
l'administration.
Il apparaît d'ailleurs probable qu'un certain nombre de suicides peut
recouvrir une autre réalité, celle du meurtre entre codétenus.
Votre commission a assisté, quasiment en direct, à une telle
automutilation à la maison d'arrêt d'Alençon.
Le sectionnement de doigts et l'ingestion de corps étrangers
(fourchettes) ou de produits toxiques sont fréquents. L'automutilation
grave peut devenir, au gré des statistiques, une " tentative de
suicide " : 139 des 1.006 tentatives de suicide étaient liées
à des " automutilations graves " en 1998.
Le nombre d'automutilations n'est cependant pas connu avec précision.
Selon M. Jean-Jacques Dupeyroux, il serait de l'ordre de 2.000 par an.
La commission avait posé des questions précises sur ce sujet à
l'ensemble des établissements : il s'agissait de préciser le nombre
de suicides intervenus depuis dix ans, d'en expliquer les circonstances et
d'indiquer l'heure approximative. En ce qui concerne les automutilations,
il était demandé d'en retracer l'évolution depuis dix ans.
Les réponses fournies par les établissements manquent le plus souvent de
précision. Des établissements sont incapables de chiffrer les
automutilations et certains comptent les grèves de la faim dans les
automutilations. D'autres enfin classent les tentatives de suicide dans
les automutilations.
Le centre de détention de Muret se distingue tout particulièrement, en
affirmant son " impossibilité de fournir les éléments de réponse "
.
L'imprécision de ces réponses appelle une réserve importante sur la
qualité des statistiques de l'administration pénitentiaire, et des
conditions dans lesquelles s'effectue aujourd'hui l'agrégation des éléments
recueillis dans les 187 établissements pénitentiaires.
Votre commission estime souhaitable que la Direction de l'administration pénitentiaire
appelle l'attention des établissements sur la nécessité de disposer de
statistiques fiables et actualisées : un directeur d'établissement
ne doit pas seulement être jugé en fonction du taux d'évasion (phénomène
d'ailleurs quasiment nul en maison d'arrêt), le taux de suicide étant un
élément déterminant de l'évaluation d'un établissement pénitentiaire.
Ces manifestations, même minorées, sont cependant en augmentation :
Les grèves de
la faim
(supérieures à 7 jours)
Deux types d'agressions peuvent être constatés en prison : les
agressions contre les surveillants et les agressions entre détenus. Il
faut malheureusement y ajouter le cas exceptionnel d'agressions de détenus
par les surveillants.
Elles sont en forte augmentation : le rapport 1998 de
l'administration pénitentiaire fait état de 278 agressions contre
les membres du personnel (215 agressions en 1997), dont 184 ont entraîné
une interruption totale de travail d'au moins un jour.
Le racket
semble malheureusement être une réalité de tous les
jours. Même si le " caïdat " traditionnel n'existe
plus, le phénomène de bandes se reconstitue. Le racket est un moyen d'échapper
au travail, jugé dégradant, et de continuer à assurer son autorité,
au-delà même des murs de la prison.
Les détenus les plus fragiles, les plus isolés, les plus démunis quémandent
un peu de cantine en échange du nettoyage de la cellule.
Un détenu victime d'une agression préfère nier, même si celle-ci a été
" repérée " par les surveillants. En effet, un
" mouchard " risque de subir des représailles très
graves. Même si l'agresseur est séparé de l'agressé, l'administration
pénitentiaire ne peut promettre au second, qu'au hasard des transferts
entre maisons d'arrêts et centres pénitentiaires, il ne retombera pas
sur le premier. De plus, le " téléphone arabe " de
la prison fera du dénonciateur un exclu, qui devra être placé, jusqu'à
la fin de sa détention, en quartier d'isolement.
Les agressions sexuelles
se déroulent à la fois en cellule et
dans les douches collectives. Un détenu peut être contraint à des
relations sexuelles, soit par la menace, soit par le chantage.
La commission a pu constater que le " tabou " des
relations sexuelles en prison semblait en passe d'être levé, comme le
montre la distribution de préservatifs à l'entrée des UCSA. Ce tabou ne
s'explique pas seulement par la pudeur de l'administration pénitentiaire ;
il est difficile à une population masculine présentant un discours
fortement " machiste ", niant l'évidence avec l'énergie
du désespoir (" On n'est pas des gonzesses ou des pédés ! "
)
et affichant aux murs de sa cellule des posters de revues érotiques
oscillant entre le soft
et le hard
, de reconnaître qu'elle
se livre nolens volens
à des pratiques homosexuelles.
Les douches collectives nécessitent une gestion " lourde "
de personnels et posent de graves problèmes de sécurité. Le surveillant
reste à l'extérieur des cabines, en vue d'un autre surveillant
susceptible de lui prêter secours et d'appeler du renfort.
Dans la pratique, les surveillants peuvent être conduits, par lassitude
et résignation, à " fermer les yeux " sur les règlements
de comptes.
Il reste que, le plus souvent, ces incidents ont lieu en leur absence ;
dès lors, le surveillant est la personne la mieux à même de repérer le
détenu qui ne se lève pas, qui mange peu, qui ne rejoint pas les autres
à la promenade : son isolement est alors incontournable.
Comme l'a indiqué M. Ivan Zakine devant la commission, " les
critiques sont rarissimes à l'égard du comportement des agents de
l'administration pénitentiaire. Il n'en va pas de même à l'égard des
services de police. Cela s'explique notamment par le fait que les agents
de l'administration pénitentiaire vivent longtemps leur relation avec les
détenus. Par conséquent, ils ne peuvent pas impunément se comporter
brutalement à l'égard de quelqu'un qu'ils côtoieront souvent pendant de
longues années. "
Mais, comme le montre l'exemple de la maison d'arrêt de Beauvais, des
comportements inadmissibles ne sont malheureusement pas exclus. Ces
violences ne sont réprimées qu'avec beaucoup de retard par
l'administration pénitentiaire. Un fort esprit de corps, le sentiment d'être
incompris, poussent un bon nombre de surveillants, même s'ils désapprouvent
les dérapages de la très petite minorité de " brebis galeuses ",
à fermer les yeux.
Dans une administration très hiérarchisée, la loi du silence fait
partie intégrante de la " culture pénitentiaire ".
L'article 40 du code de procédure pénale, obligeant tout fonctionnaire
à transmettre au procureur de la République les " renseignements,
procès-verbaux et actes " relatifs à la connaissance d'un
crime ou d'un délit, est parfois mal connu et encore plus rarement invoqué.
Cependant, tant le Garde des sceaux que la directrice de l'administration
pénitentiaire ont insisté devant la commission sur le taux élevé de
sanctions prises à l'égard du personnel : 260 pour 26.000
personnes. Plusieurs chefs d'établissement ont été discrètement
suspendus et des cadres ont été rétrogradés.
En général, les maisons d'arrêt du sud est de la France laissent les détenus
dehors beaucoup plus longtemps. A Ajaccio, le temps laissé à la
promenade est de cinq heures par jour. A Digne, les détenus ont la
possibilité de passer trois heures à l'air libre. La commission a
constaté que ces horaires étaient encore plus larges aux Baumettes.
Dans les maisons d'arrêt d'outre-mer, compte tenu de leur surpopulation
massive, et de leurs conditions de détention particulièrement indignes,
les détenus sont dehors pendant la quasi-totalité de la journée.
Si le code de procédure pénale prévoit, explicitement, dans son article
D. 359 que " le règlement intérieur de chaque établissement
pénitentiaire doit réserver une partie de l'emploi du temps des détenus
à l'exercice d'activités physiques
", l'organisation de
ces activités semble poser un grand nombre de problèmes, en raison
notamment de la surpopulation. Par exemple, il faut nécessairement deux
moniteurs pour encadrer un groupe de vingt détenus.
Pour 53.000 détenus, on compte 220 surveillants-moniteurs, soit une
moyenne d'à peine plus d'un moniteur par établissement pénitentiaire.
L'apport de surveillants " faisant fonction " de
moniteurs de sport pallie les nombreux postes restés vacants, tandis que
les intervenants extérieurs, vacataires ou bénévoles, apportent une spécialisation
sportive.
L'article D. 459-2 du code de procédure pénale rend compte de la
difficulté d'organiser des activités sportives dans des locaux vétustes
ou inadaptés : " sous réserve des contraintes
architecturales, l'établissement doit être doté d'équipements sportifs
de plein air et couverts, réglementaires et polyvalents, permettant
l'organisation de séances et de rencontres sportives. Dans la mesure du
possible, la localisation des terrains de sport est différente de celle
des cours de promenade "
.
La commission a constaté que les locaux ne permettaient pas l'exercice du
sport dans de bonnes conditions. Seule la moitié des établissements pénitentiaires
dispose de terrains dont la localisation est " différente "
de celle des cours de promenade. Les 25 établissements pénitentiaires
qui ne disposent d'aucune installation sont des maisons d'arrêt.
Les terrains de sport : 94 établissements sur 186
Source : L'administration pénitentiaire,
brochure du ministère de la Justice, 1998
Dans le cadre des " centres pénitentiaires ", où
coexistent maison d'arrêt et centre de détention, la priorité est une
nouvelle fois donnée au centre de détention. L'exemple de Draguignan est
parlant : les activités sportives sont de 2 h 30 par semaine en
maison d'arrêt, de 3 heures par jour en centre de détention.
Cependant, des équipements de bonne qualité existent. A Fleury-Mérogis,
votre commission a pu visiter le gymnase de la maison d'arrêt des femmes,
construit par les détenues sous la direction d'un compagnon du tour de
France. Les terrains de sport étant de taille suffisante, le football et
l'athlétisme peuvent être pratiqués. Pour les jeunes détenus, du
" kick boxing " est également proposé. Malgré les réticences
des surveillants, la pratique de ce sport de combat semble avoir un effet
apaisant.
En revanche, la maison d'arrêt de la Santé interdit les sports de
combat.
Pour des raisons pratiques -son exercice ne nécessite que peu de place-
et " culturelles " -la population pénale vit dans la
religion de la " gonflette "- chaque maison d'arrêt
dispose d'un local de musculation. La musculation est souvent le seul
sport pratiqué en maison d'arrêt.
Les maisons d'arrêt de Gap et d'Avignon, par exemple, ne proposent que
cette seule activité. Dans le cas d'Avignon, la pratique de la
musculation concerne la moitié des détenus (150 sur 307).
La commission a pu constater, au cours de ses visites, que les appareils
utilisés étaient généralement en bon état et souvent " sécurisés ",
les haltères pouvant notamment être détournées de leur vocation.
En revanche, les salles sont souvent trop petites. A Toulon, certains
appareils sont situés dans un couloir, faute de place.
Il existe deux types de travail en détention, fondamentalement différents :
- le travail délégué à un concessionnaire privé ; les
postes sont extensibles à volonté, en fonction de la demande des
entreprises et du nombre de concessionnaires ;
- les postes de travail liés au fonctionnement des établissements
et appelés " service général " : les fonctions
de maintenance et d'hôtellerie (restauration, blanchisserie, nettoyage) nécessitent
un nombre non négligeable de détenus. Les indigents et les pointeurs
constituent l'essentiel des auxiliaires du service général.
La commission a pu constater que le travail pouvait être un moyen de réduire
les conséquences de la surpopulation. L'exemple de la maison d'arrêt du
Mans, où près de 100 détenus travaillent, sur un effectif total de 126,
traduit le souci d'éviter que les détenus " ne se retrouvent
sur les toits ". A la maison d'arrêt de Melun, 60 détenus sur
83 sont occupés.
Cependant, de tels taux d'occupation par le travail restent exceptionnels.
A Nanterre, le pourcentage de travailleurs est de l'ordre de 22 %. A
la Santé, il est de 30 %.
Certaines maisons d'arrêt -faute de partenariats avec des entreprises et
aussi par manque de place pour installer des ateliers- ne peuvent proposer
que les seuls postes du service général. Cette situation n'est pas forcément
liée à la " taille " de la maison d'arrêt :
celle de Cahors, avec moins de 60 détenus, dispose de 15 places en
concession, alors que celle de Béziers, avec environ 100 détenus, n'en
propose aucune.
Par ailleurs, d'autres maisons d'arrêt ne proposent que très peu de
places par rapport au nombre de personnes susceptibles d'y être incarcérées :
la maison d'arrêt de Toulouse n'a que 20 places de travail pour 477 détenus,
celle d'Albi 7 places pour 90 détenus.
Dans les centres pénitentiaires, la priorité est accordée au centre de
détention par rapport à la maison d'arrêt. Par exemple, le quartier
maison d'arrêt hommes du centre pénitentiaire de Draguignan, malgré une
capacité théorique de 136 personnes, ne propose aucun travail.
Les concessionnaires dans les maisons d'arrêt : l'exemple de la région pénitentiaire de Toulouse
Maisons d'arrêt sans
concessionnaires
Albi (hommes)
Aurillac, Perpignan (hommes)
, Béziers, Foix.
Maisons d'arrêt avec concessionnaires
Albi (femmes)
, Cahors, Nîmes, Perpignan (femmes)
, Tarbes,
Villeneuve-lès-Maguelonne, Montauban, Carcassonne, Rodez, Toulouse.
Même si le travail est un " droit " en détention,
selon l'article 720 du code de procédure pénale, il est difficile à
organiser. Il faut, en effet, trouver suffisamment de partenariats, et
d'entreprises concessionnaires41
. Le travail nécessite des
locaux, une surveillance qui n'est plus exactement de la même nature que
la surveillance " traditionnelle ".
Les bâtiments anciens ne permettent pas de travailler dans de bonnes
conditions d'hygiène et de sécurité ; tout d'abord, dans un nombre
important de maisons d'arrêt, le travail s'effectue en cellule dans des
conditions souvent dignes d'un atelier clandestin ; ensuite, les
ateliers ne sont souvent plus aux normes de sécurité incendie.
Les détenus, en dehors des indigents, sont peu incités à travailler,
pour des raisons financières. 30 % des revenus, à concurrence de 300
francs par mois, sont prélevés pour financer les frais d'entretien du détenu.
Cette " dîme " est apparue choquante à la
commission, car le détenu qui ne travaille pas, parce qu'il n'a pas de
besoins financiers, n'aura pas, par définition, à s'acquitter d'une
telle somme.
La rémunération des postes du service général est faible, mais très
variable selon les maisons d'arrêt : 1.450 francs par mois en
cuisine, 450, 600 ou 840 francs par mois pour les autres tâches.
L'inégalité de
la rémunération des postes du service général
(hors cuisines)
Bourges : 595 francs - 91 €
Bois d'Arcy : 801 francs - 122 €
Nanterre : 840 francs - 128 €
Osny : 850 francs - 129 €
Blois : 1.020 francs - 155 €
Selon l'administration pénitentiaire, la moyenne des rémunérations est
de 740 francs.
En ateliers, la rémunération est à peine plus élevée : elle s'élève,
dans la plupart des cas, entre 1.000 et 3.500 francs.
Un détenu pourra préférer attendre tranquillement la fin de sa détention
et continuer à percevoir les " prébendes " de ses
activités illicites (proxénétisme, trafic de stupéfiants).
A Loos-lès-Lille, la maison d'arrêt éprouve des difficultés pour
inciter les détenus à travailler, que ce soit dans les ateliers ou dans
les cuisines. Alors que les ateliers pourraient accueillir jusqu'à 100 détenus,
seulement 60 y exercent une activité.
A la maison d'arrêt de la Santé, le travail se déroule entre 8 heures
et 17 heures dans des ateliers exigus qui ne couvrent que 300 m2
de la superficie de l'établissement. Le travail en cellule consiste
essentiellement à effectuer du petit conditionnement et de la mise sous
pli de documents. Les rémunérations s'élèvent à 120 francs brut
par jour.
Dans d'autres établissements, l'administration pénitentiaire aura, au
contraire, du mal à " répondre à la demande ",
notamment des entreprises qui travaillent à flux tendus;
La priorité de l'éducation nationale est de repérer les illettrés,
afin qu'ils puissent bénéficier d'un (ré)apprentissage de l'écriture
et de la lecture. Mais l'enseignement est souvent en concurrence avec le
travail.
Les caractéristiques du public pénitentiaire nécessitent un travail en
tout petits groupes, afin de permettre un suivi individualisé de chacun.
Votre commission a pu se rendre compte du dévouement des professeurs des
écoles chargés d'effectuer ces enseignements. Il n'en demeure pas moins
que bon nombre de postes sont laissés vacants par l'éducation nationale.
Différentes associations, auditionnées par votre commission d'enquête,
proposant notamment des cours par correspondance, relaient cet effort éducatif :
GENEPI, Auxilia, ...
S'agissant des mineurs, la commission a constaté que l'éducation
nationale, et même les associations, se dégageaient de leur mission :
les quelques enseignants qui acceptent les conditions extrêmement
difficiles de ces quartiers, tel celui sinistre de la prison Saint-Paul à
Lyon, tentent vaille que vaille de se conformer à l'obligation scolaire
en dispensant quelques notions fondamentales à cette population le plus
souvent illettrée et sans repères.